La morosité du contexte économique impose aujourd’hui aux entreprises de se recentrer sur leur capital humain et de faire de la gestion des talents une priorité.
Mais si toutes s’accordent sur la nécessité d’intégrer une politique de gestion des talents basée sur le recrutement en interne, la mobilité et le développement des carrières, rares sont les organisations qui ont réussi à déployer des processus RH efficaces en la matière.
Performance, coûts, retour sur investissement, engagement des salariés, compétitivité, formation, développement des carrières, gestion des talents, innovation, travail collaboratif… Autant de termes pour définir les enjeux de la mobilité interne en entreprise. Une mobilité qui est donc convoitée, d’une part pour favoriser l’engagement des salariés et la performance qui en découle, mais aussi pour réduire les frais et la durée des recrutements.
La performance, tant sur le plan fonctionnel qu’opérationnel, dépend en grande partie de la productivité des salariés, et donc de leur engagement envers l’entreprise. La bonne gestion du capital humain et sa mise en avant sont donc des facteurs capitaux pour la pérennité de l’activité d’une entreprise, notamment en ce qui concerne l’amélioration de ses performances. Mais qui dit capital humain, dit aussi charges importantes.
Dans un contexte de crise, il est indispensable de mesurer le ROI de la politique de recrutement et de mobilité en interne, de développement des carrières et de gestion des talents. Toutes les entreprises recherchent cette visibilité : très peu, cependant, pour ne pas dire aucune, n’ont jusqu’alors réussi à le déterminer avec précision. Si chacune est convaincue des bienfaits de la mobilité en interne, les données tangibles quant à la rentabilité des choix des RH restent rares.
La grande majorité des entreprises s’accorde donc à dire que la technologie est un levier indispensable, justement pour mesurer les résultats. A la vue des conclusions de l’étude “Le recrutement interne en Europe” de Cornerstone OnDemand, on ne peut que constater que la technologie est sous exploitée ou mal déployée, avec des conflits entre les départements, et un cruel manque d’accessibilité entre les données de différents services.
Ainsi, bien que la volonté d’une meilleure mobilité en interne soit palpable, et devienne même un axe prioritaire dans de nombreux départements RH, une multitude de barrières existe encore dans la mobilité en entreprise, à commencer par celle du cloisonnement des données.
Il s’avère d’ailleurs que les barrières à la mobilité interne sont érigées par les DRH eux-mêmes, mais aussi par les mentalités, les salariés, ainsi que les managers et les responsables opérationnels. Chaque partie prenante a sa part de responsabilité dans l’inefficacité de la mobilité interne.
Les RH savent qu’ils peuvent se heurter à l’autorité des managers opérationnels qui font de la rétention de talents et s’opposent ainsi à la mobilité. Mais ils ont également peur de démotiver les salariés déjà en poste lorsqu’ils recrutent en externe. En effet, si un poste vacant est convoité par un salarié, le fait que ce poste soit pourvu à travers un recrutement externe entraînera une grande frustration et une profonde démotivation, ce qu’il faut à tout prix éviter. Les RH se retrouvent donc coincés : ils doivent faire le choix du “moindre pire” en prenant en compte les impératifs qui leur sont imposés par la gouvernance. Ce qui pourrait pourtant être résolu par un rapprochement entre RH et managers opérationnels.
Les managers opérationnels veulent souvent, quant à eux, avoir le dernier mot : au « front », ils se considèrent comme les seuls aptes à définir les bons profils pour leurs équipes, mais sans considération pour la performance et la rentabilité à l’échelle de l’entreprise. Seule leur équipe compte. Ils témoignent par ailleurs d’une certaine volonté de rétention, car pour demeurer efficaces et remplir leurs objectifs, ils ont besoin à leur niveau de disposer de talents et de compétences propres à leur domaine d’intervention. Il arrive donc qu’ils s’opposent ou empêchent la mobilité en interne pour conserver de bons éléments dans leurs équipes.
La mobilité interne, si elle peut être bienvenue dans le cadre d’une évolution pyramidale, est souvent mal perçue si elle se fait dans le cadre d’un changement de département ou d’équipe. Le salarié “déplacé” est en effet vu comme une lourde perte pour l’équipe dont il est enlevé.
En France, les salariés n’ont pas pour habitude de rechercher des postes en interne, de peur que cela soit mal vu, mal interprété ou perçu comme un signe d’instabilité.
Ainsi, même si un salarié souhaite une évolution de carrière, et bien qu’il soit en recherche active, il n’a pas toujours le réflexe de chercher en interne, de s’adresser au RH, de proposer sa candidature ou de consulter les informations émises par le département RH sur le tableau à l’entrée. Il préfère souvent postuler auprès d’autres entreprises.
En somme, si la mobilité interne n’est aujourd’hui que trop peu efficace dans le monde de l’entreprise, ce n’est souvent que le résultat d’un manque de communication et d’ouverture entre les différents acteurs concernés, à savoir les RH, les salariés et les managers.
Là est aujourd’hui le principal problème de la mobilité interne : les entreprises françaises ne laissent pas assez de liberté à leurs salariés, ou ne communiquent pas assez avec eux en vue de favoriser les promotions ou les changements de postes en interne. Elles ont tendance à cantonner leurs RH à un rôle administratif, tout en ayant (paradoxalement) conscience que leur implication au niveau opérationnel leur permettrait de mieux appréhender la rentabilité de leurs choix. L’implication des managers au niveau fonctionnel serait aussi profitable, pour une meilleure appréhension des performances à une échelle plus globalisée.
En bénéficiant d’une meilleure connaissance des individus, les managers opérationnels sont souvent considérés comme les seuls légitimes pour prendre des décisions en matière de mobilité interne.
Mais faute de démontrer un véritable pouvoir sur les aspects recrutement et administratif, notamment dans les entreprises pourvues d’un département RH, leur implication dans le processus de recrutement laisse bien souvent à désirer. Or, s’ils contribuaient plus activement, de leur plein gré ou par sollicitation des RH, les processus de recrutement interne en seraient grandement facilités.
Il appartient donc à la gouvernance des entreprises de favoriser la rencontre et les échanges entre managers et RH, à travers, par exemple, la réunion des bases de données, mais aussi via la mise en place de procédures de recrutement clairement définies et orientées par des indicateurs de performance pertinents, tant sur le plan opérationnel que fonctionnel, et conjointement établies.
Les DRH devraient eux aussi s’ouvrir à la rencontre tant avec les managers opérationnels qu’avec les employés, pour apprendre à mieux les connaître et pour déceler les motivations de carrière de chacun. Le but : étayer les bases de données de profils, faire des propositions de poste en interne au moment venu, plutôt que de chercher en externe, ou au dernier moment en interne. Ce qui permettrait d’autre part d’améliorer le processus de gestion prédictive des carrières.
Tout ceci implique cependant une standardisation des processus et l’intégration progressive de solutions de gestion et de communication unifiées. Les entreprises sont plutôt mal loties en la matière, mais cette standardisation s’imposera de manière inéluctable si les entreprises veulent réellement améliorer l’efficacité de leur processus de recrutement, leur mobilité interne et leurs performances, et avoir enfin une visibilité sur la rentabilité de leur politique de gestion des talents et de recrutement interne.
Les salariés devraient quant à eux manifester davantage leurs ambitions de carrière en sollicitant leur DRH. Malheureusement, entre les mentalités et les conflits d’autorité en matière de mobilité interne (entre RH et managers opérationnels), difficile pour eux de prendre des initiatives.
Il en va une nouvelle fois de la responsabilité de la gouvernance qui devrait favoriser le dialogue avec ses salariés et les inciter à parler de leurs ambitions à leur responsable, qu’il soit manager ou RH.